dimanche 13 janvier 2019

1939 - Hector Charland


Hector Charland

1er Juin 1883 - 27 Décembre 1962

Hector Charland est né à l'Assomption, le 1er juin 1883, dans le rang du Point du Jour Sud, fils de Louis Charland et de Marie-Lina Baignet. C'est l'année de l'inauguration de la salle académique du Collège de l'Assomption... C'est l'époque où s'est imposé le modèle des tournées théâtrales européennes et américaines, la première visite de Sarah Bernhardt et surtout l'arrivée du vaudeville américain qui attire le public populaire. Rappelons qu'il n'y a pas 10% des activités théâtrales qui se donnent en français a Montréal! Encore écolier, Hector gagne un concours où il récite l'évangile du dimanche des Rameaux. Il est tellement ému qu'il perd connaissance: il a trouvé sa vocation et elle ne le lâchera plus. Il étudie au Collège de l'Assomption, où évidemment, il joue sur la scène de la salle académique. Il se forme en droit et voulant assurer un revenu régulier à sa famille, il accepte le poste d'assistant-greffier à la cour d'appel de Montréal. Il sera acteur, en même temps, quasi à plein temps.

Dans les années 1910, il interprète les rôles les plus variés, du classique au contemporain. Il fait partie des cercles artistiques : Ville-Marie, Lapierre, Melançon. Il ne joue évidemment pas pour l'argent mais "pour satisfaire sa passion terrible et délicieuse". Un aspect moins connu de sa carrière : il est mêlé à l'avant-garde théâtrale, avec la troupe Les Compagnons de la Petite Scène (un des directeurs est Alfred Vallerand) qui se propose de faire connaître le "théâtre actuel". En mars 1923, en s'inspirant de Jacques Copeau et de ses mises en scène au Vieux-Colombier de Paris, la troupe présente Le mort à cheval, d'Henri Ghéon. Elle ajoute Michel Auclair de Charles Vildrac. Une belle controverse s'ensuit. Cette troupe veut se distinguer "des troupes de tournée, des scènes régulières et de leurs concurrents amateurs". Elle a des imitateurs, des gens qui cherchent l'intégration des artisans de la création, dans la même quête de nouveauté et d'initié.

La Société Saint Jean-Baptiste de Montréal invite des groupes "modernes" au regroupement, au théâtre du Monument National, dans le même organisme central appelé les Soirées de Famille. Il n'y aura pas de "petit théâtre" expérimental... On voit l'étendue de son registre quand Hector Charland participe aussi aux Soirées du Bon Vieux Temps, animées par Conrad Gauthier. Il y croise Ovila Légaré et Juliette Béliveau. Dans ces mêmes années 1920, il joue régulièrement au théâtre du Gésu, appartenant au collège Sainte-Marie de Montréal. Presque un théâtre institutionnel. Il est alors membre du cercle dramatique des Anciens (sans en être un) et joue sur cette scène trois ou quatre fois par an, pendant 27 ans, les rôles principaux les plus divers : Flambeau dans l'Aiglon, Le Malade imaginaire, le Bourgeois gentilhomme, le gendre de monsieur Poirier, etc.

Une pièce événement sans équivalent dans l'histoire théâtrale lance sa popularité. L'abbé Jean d'Avila Ethier de Saint-Jérôme, compile des textes sacrés et monte en 1925, le drame par excellence : la Passion, en cinq actes et 25 tableaux, 421 personnages et 125 chanteurs. Hector joue le rôle du Christ. L'année suivante, on bâtit un auditorium pour cette pièce. À la première, le 16 août 1925, il y a 2500 spectateurs. Au moins 20 000 personnes à la première saison. On y tiendra des représentations tous les dimanches de 1925 à 1928, sauf l'hiver où l'on y joue au hockey... Durée de la pièce : de deux heures de l'après-midi aux "petites heures de la nuit"... On vient de partout, jusqu'en Nouvelle-Angleterre. Lorsque les dettes de la paroisse de Saint-Jérôme sont remboursées, les évêques font cesser ce "divertissement" dominical...

Hector Charland n'est pas sédentaire. Avec les cercles artistiques, il joue au Québec, en Ontario et aux États-Unis. Il débute à la radio, à CKAC, avec le premier radio-roman de la station Le curé du village, de Robert Choquette, en 1935-1938. Il le reprendra au cinéma, en 1949. Il sera également une des vedettes de l'émission Le Ralliement du rire avec Fred Barry et Gérard Delage. Et puis arrive Séraphin Poudrier, le rôle mythique d'une génération d'auditeurs.

En 1939, Radio-Canada demande à Claude-Henri Grignon, l'adaptation de son roman Un homme et son péché. Grignon donne à Charland le rôle de Séraphin Poudrier. Il interprète le rôle de l'avare, tous les soirs, durant 15 minutes, de 1939 à 1962. Durant sept ans la réalisation est signée Guy Maufette, et sera reprise ensuite par Lucien Thériault. Le succès est si grand que l'auteur écrit, en 1942 une série de sketches, les Paysanneries où Charland joue sur scène son fameux personnage.

Les "voix" de la radio sont alors visibles : Estelle Maufette (Donalda), Albert Duquesne, Amanda Alarie, Juliette Huot, Fred Barry. À Ottawa, après la représentation, des spectateurs veulent malmener le "maudit Séraphin". Charland a besoin de la police... Le cinéma s'empare de l'acteur. Un homme et son péché, sort en 1948,  Séraphin, en 1949. Dans ce dernier, Nicole Germain joue Donalda et Guy Provost, Alexis Labranche.

En 1956, la télévision toute neuve, s'empare elle aussi du roman. Charland ne joue pas Séraphin mais le père Évangéliste (le père de Séraphin Évariste Poudrier) dans Les belles histoires des Pays d'en Haut. Une époque se termine. Le personnage est devenu un type. Il va demeurer dans les consciences. On dit "un Séraphin" pour parler d'un avare. Le comédien peut sortir de scène. Déterminé comme un paysan, pionnier comme un défricheur. Il meurt le 27 décembre 1962. Il a réussi, fidèle à sa vocation.


Hector Charland - Séraphin Poudrier



Ce texte est une gracieuseté du Théâtre Hector Charland

Notes biographiques rédigé par Christian Morissonneau

Photo - Collection Jean Layette

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